Genres, sexualités et travail social : Pourquoi
ce dossier ?
Aborder de façon explicite, thématisée et régulière la question de
la sexualité dans la formation des travailleurs sociaux a d’abord
une sorte d’évidence : cette question est incontournable depuis
longtemps dans le champ de l’inadaptation, et elle l’est devenue
plus récemment dans le champ du handicap, en regard aussi bien de
l’évolution des pratiques (mixité, sexualité de plus en plus
reconnue dans les institutions, accompagnement à la vie affective et
sexuelle) et de l’évolution juridique (loi 2002-2, déclarations de
l’OMS etc.).
Par ailleurs plusieurs textes, en particulier de l’Education
Nationale, font obligation aux organismes de formation d’aborder
cette question régulièrement au cours de la formation des élèves et
des étudiants.
Mais il y a aussi des raisons encore plus actuelles qui justifient
cette référence à la sexualité dans la formation des travailleurs
sociaux. Car ces questions sont aujourd’hui l’objet de profondes
transformations dans le champ social, dans le champ idéologique et
dans le champ théorique : le féminisme, les mouvements de
revendication de l’homosexualité, le mouvement LGTBIQ (Lesbiennes,
Gays, Trans’, Bis, Intersexes, Queers), les Gender et les Queer
Studies dont de nombreux textes sont maintenant traduits, reflètent
une transformation profonde des pratiques et des représentations des
« identités de genre », (« féminin », « masculin », ou « autre »),
et des conceptions de la sexualité qui y sont articulées.
Ne pas se tenir à l’écart de ces questions
Dans ce contexte, il n’est plus possible pour un professionnel du
secteur sanitaire et social, de se tenir à l’écart de ces
transformations et de continuer à aborder ces questions comme si de
rien n’était, depuis des « valeurs », des expériences et des
représentations seulement « personnelles » non interrogées. Ce
contexte est, au contraire, l’occasion, voire la nécessité, de
construire des approches non normatives de la vie affective et
sexuelle, selon une éthique qui permette aux professionnels d’être
autre chose que des agents de la norme comme on le croit souvent.
Il s’agit donc dans ce dossier issu d’un séminaire thématique
(février 2012)
- d’une part de se sensibiliser et se former à ces transformations
sociales et théoriques, d’en tirer toutes les conséquences sur
l’importance d’une déconstruction des conceptions « spontanées » ou
subjectives auxquelles nous sommes inévitablement assignés du fait
de notre éducation et de notre culture,
- et d’autre part d’intégrer cette question du genre et de la
sexualité comme composante non secondaire ou « optionnelle » de
l’identité professionnelle du travailleur social, qui est un des
acteurs de la « fabrique » des genres, de leur reproduction ou de
leur transformation.
A cet effet, ce dossier mobilise :
des références théoriques : le rapport entre sexe et pouvoir, les
enjeux du féminisme, de l’histoire de l’homosexualité, de l’hétéronormativité,
de la domination masculine, de la transidentité, de
l’intersexualité, les travaux qui traversent aujourd’hui la
philosophie, l’anthropologie, la sociologie, la littérature, parfois
la psychanalyse : comment penser ces questions aujourd’hui ?
des références sociales : information et réflexion sur les
pratiques sexuelles non normatives ou non conformistes, les
pratiques actuelles de la censure, des médias, les alternatives
littéraires ou filmiques à la pornographie industrielle et
commerciale : quels savoirs constituer sur ces questions aujourd’hui
?
des références professionnelles : comment être acteur, « éducacteur », de transformations des questions de genre et de
sexualité dans les pratiques éducatives, pédagogiques ou
thérapeutiques ? Pourquoi et comment construire des alliances et des
partenariats sur ces questions? Quel savoir-faire acquérir en
matière de questions de genre et de sexualité ?
Produire du savoir avec les acteurs concernés
Dans ce domaine encore plus qu’ailleurs, il s’agit aussi d’être au
plus près de la philosophie de la pédagogie mise en œuvre chaque
fois que possible à l’Afertes, dans la construction du savoir selon
la méthode inductive et non seulement déductive, en donnant la
parole aux acteurs de ces transformations, aussi bien sur le plan
théorique ou discursif que sur le plan biographique.
Ce dossier cherche aussi à favoriser des partenariats régionaux ou
nationaux croisant ces questions, en particulier en ouvrant le
séminaire au « grand public » sous forme de conférence-débat sur «
l’accompagnement sexuel » (conférence filmée, disponible sur la
rubrique « Conférences de l’Afertes »).
On trouvera aussi dans ce dossier une importante présentation du
fonds bibliographique et filmographique consultable au Centre de
Ressources Documentaires de l’Afertes.
Ce dossier comprend donc :
la présentation argumentée ;
la liste des intervenants, accompagnée de l’enregistrement audio
de leur intervention ;
une « conclusion » temporaire, produite à l’issue du séminaire ;
la présentation d’un outil éducatif, faisant suite à ce
séminaire, travail produit avec l’aide d’Etienne Liebig et publié
ici sous le titre « Nous n’irons plus à Lhassa » ;
le texte « Nous n’irons plus à Lhassa » ;
la bibliographie et la filmographie disponibles au Centre de
Ressources Documentaires de l’Afertes ;
la conférence filmée « De l’éducation (spécialisée) à la
sexualité (spécialisée ?) – et retour ».
Didier Andreau; Dorothée Briffaut;
Patrice Desmons; Sabine Fombelle;
Abderhamane Koudjil; Marylise Lamarche
(Formateurs à l'Afertes)
Afertes - 2012